Chaque jour qui passe, les prévisions économiques se font de plus en plus désastreuses.
Les dernières en date au moment de la rédaction de cette note, sont celles de l'OCDE, le très libéral club des 30 économies « les plus développées », elles ont été publiées début avril. Ces prévisions, font état de chiffres véritablement catastrophiques : des régressions économiques sans précédent.
La croissance en 2009 selon l'OCDE1
| 200 |
USA | - 4.0% |
Japon | - 6.6 % |
Zone euro | -4.1 % |
Allemagne | -5.3 % |
Grande Bretagne | - 3.7 % |
France | -3.3 % |
Italie | - 4.3 % |
Voici très exactement ce qu'écrit à ce propos l'OCDE :
« L'économie de la zone OCDE est actuellement en proie à la récession la plus profonde et la plus généralisée qu'elle ait connue depuis plus de 50 ans (...) La zone euro est entrée dans une profonde récession »
Pas vraiment rassurant, d'autant que l'OCDE précise que « les risques qui entourent ces prévisions restent orientés à la baisse » ; bref, il est plutôt probable que, si rien n'est fait, cela pourrait bien être encore pire !
Ce qui est ainsi prévu, c'est tout simplement que, de 2008 à 2010, le chômage s'accroisse de près de 60% dans la zone euro (de 7.5% à 11.7%) et de 50% en France, où il atteindrait l1%.
Or, bien que cette situation soit connue de tous, l'Europe n'a toujours pas de plan économique de relance.
Ce qui a été annoncé par Barroso en décembre dernier est, en effet, un pur et simple cache misère. On se souvient qu'il a alors triomphalement annoncé un plan de 200 milliards d'euros.
Addition de plans nationaux pour l'essentiel (pour 170 milliards d'euros), ce chiffre correspond en fait à un apport propre de la Commission de 30 Md€. Mieux que rien dira t'on ; en fait, il faut savoir que cela correspond à des dépenses déjà prévues, mais dont le calendrier sera en principe avancé : utilisation des fonds structurels, qui aurait de toutes les façons été faite et anticipation de travaux d'infrastructures déjà décidés. Par ailleurs, la Commission n'apporte évidemment rien qui permettrait de soutenir l'emploi ou le pouvoir d'achat des ménages.
Une étude récente2 fait le point sur l'ampleur réelle des mesures ainsi adoptées :
Montant des mesures de relance adoptées (en % du PIB)
| % du PIB |
Europe à 27 Dont commission | 0.80 0.07 |
USA | 1.99 |
Chine | 7.09 |
On constate que, mesuré à l'aune du PIB européen, l'apport propre de la Commission est tout simplement ridicule (très sensiblement moins de 1 pour mille !). Il n'y a donc pas de plan européen de relance.
Quant à l'ensemble des mesures prises par l'ensemble des 27 pays européens, elles ne font vraiment pas le poids (moins de 1% du PIB),
2. Cette Europe là ne peut pas avoir de plan de relance.
S'il en va ainsi c'est que deux raisons empêchent que cette Europe là s'engage dans le véritable effort de relance qui serait pourtant nécessaire :
Première raison : à supposer même qu'elle le veuille, les institutions européennes interdisent une intervention économique de la Commission.
De par les traités, la Commission ne peut dépenser que ce que les ressources dont elle dispose. Or, le mécanisme des « ressources propres » est très restrictif. C'est pourquoi, le budget de l'Europe des 27 est ridicule : en 2009, il est de 134 Md€, soit trois fois moins que celui de la France. Ne pouvant dépenser que ses ressources la commission doit avoir un budget en équilibre, et elle lui est interdit d'emprunter.
Il n'y a donc pas de relance possible par le budget européen, puisqu'elle est ... interdite par les traités.
Quant à la BCE, on le sait, toujours de par les traités, sa seule mission à l'exclusion de toute autre -et c'est d'ailleurs dans son ultralibéralisme forcené, la seule qui l'intéresse-, c'est de lutter contre l'inflation, même quant elle n'existe pas. Pour elle, il ne saurait donc être question de soutenir la croissance et encore moins l'emploi. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle elle a, début avril, une nouvelle fois surpris tous les observateurs en fixant à 1,25%, un niveau plus élevé qu'attendu et surtout que nécessaire. Certains économistes, et pas des plus à gauche, ont pu parler de « politique du pire. » Comme l'a dit alors J. Cl Trichet dans sa novlangue, en ce moment où le risque est bien plutôt celui de la déflation, la BCE a pris en compte « des anticipations de pression sur les prix atténuées ». Nous vivons une inondation sans précédent et lui est obsédé par un plus qu'improbable incendie !
Deuxième raison : de toutes les façons, les gouvernements libéraux ne veulent pas d'une relance efficace.
On le sait, A. Merkel ne voulait pas entendre parler d'une relance et il a fallu la faillite de la première banque hypothécaire allemande (Hypo Real Estate) pour qu'elle s'engage à reculons dans cette voie. Elle a donc dû changer d'avis sur le plan national, mais elle demeure farouchement opposée à toute relance communautaire ; on se souvient de sa phrase digne de M. Thatcher au G4 d'octobre dernier : « à chacun sa merde ».
La réalité européenne est bien celle-là : chacun pour soi et l'Europe pour personne !
Quant à la France, on connaît le plan Sarkozy et ce qu'il faut en penser :
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Aucune véritable mesure pour le pouvoir d'achat et l'emploi, tout pour les entreprises. Or, si un effort en faveur de l'investissement est utile, son effet ne sera sensible que dans plusieurs années. C'est inefficace.
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Alors que la crise est là, le soutien de la demande, inexistant dans le plan Sarkozy, est doublement indispensable.
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D'abord, parce qu'il est juste : les salariés n'ont aucune responsabilité dans cette crise déclenchée par l'éclatement de la bulle financière, ce n'est pas à eux de payer les fautes des spéculateurs et des banquiers.
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Mais aussi parce que c'est indispensable, urgent et efficace : du pouvoir d'achat supplémentaire pour les couches populaires c'est aussi, immédiatement, de la consommation en plus et donc un soutien instantané à l'économie.
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Ce plan, au surplus, est largement bidon, puisqu'il s'agit en fait, pour l'essentiel, non de mesures nouvelles mais soit de mesures de trésorerie, soit d'anticipation de travaux déjà décidés. L'effet de relance est donc en réalité bien loin des 26 Md€ (soit 1,3% du PIB), comme on a voulu le faire croire. D'ailleurs, sur ce point l'OCDE, met fin à la polémique : dans ses prévisions elle chiffre à 0,6 % du PIB le montant des mesures du plan de relance de Sarkozy.
3. Un plan européen est nécessaire. Pour le rendre possible : nous avons besoin d'une autre Europe.
Il suffit de comparer entre eux ces différents chiffres pour s'apercevoir que le compte n'y est pas. Rien de tout cela, n'est évidemment à la mesure du choc dramatique que les économies réelles vont subir du fait de l'éclatement de la bulle financière.
Ainsi pour ce qui est de l'Europe, toujours à en croire l'OCDE :
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On s'attend à une croissance négative de -4,1% en 2009
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L'ensemble des mesures de relance, nationales et communautaires, aujourd'hui décidées s'élève à 0,8% du PIB européen
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Cela devrait produire un effet de relance de l'ordre de .... + 0,4 %
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Résultat des courses : - 4,1 + 0,4 = - 3,7
Comme le dit dans son langage l'OCDE : « l'impact probable des programmes budgétaires est faible, en particulier si l'on considère l'ampleur de l'écart de production attendu » 3
Si même l'OCDE le dit !
Cette Europe là est celle de l'impuissance
On ne peut accepter une telle situation qui est celle de la montée du chômage et des précarités. On ne peut accepter une telle inaction.
En ces temps difficile et dangereux, face à la mondialisation libérale, nous avons besoin d'une construction européenne, car nous ne prônons pas le repli national ou nationaliste, ce serait irresponsable.
4. Un plan d'urgence vers un nouveau modèle de développement.
Cette crise est celle du capitalisme, de son modèle de développement productiviste et de la marchandisation de toutes les activités humaines. Même à travers des mesures qui doivent permettre de faire face à l'urgence, il ne peut s'agir pour nous de chercher à entretenir et perpétuer cette croissance là.
Vouloir sortir de cette crise, c'est oser un nouveau modèle de développement fondé sur la satisfaction des besoins sociaux en relevant le défi du partage des richesses, un nouveau mode de production et de consommation.
Tout autant qu'un plan d'urgence, les mesures que nous proposons en sont aussi l'amorce ; elles ouvrent une nouvelle direction.
C'est pourquoi, nous voulons soutenir un développement:
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Ecologique, qui, enfin durablement soutenable, respectera les équilibres fondamentaux de notre planète.
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Sociale : celle du retour au plein-emploi, du pouvoir d'achat et de l'accès de tous aux biens communs fondamentaux grâce aux services publics.
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De solidarité entre les peuples, permettant une harmonisation par le haut des conditions de vie et de mettre fin au dumping social et fiscal entre les états membres.
Un développement écologique
S'il est un domaine où s'imposent une pensée et une action qui ne s'arrêtent à aucune frontière, c'est bien celui de la mise en œuvre des politiques écologistes pour éviter la catastrophe qui s'avance. Nous avons besoin d'une autre Europe pour mettre en œuvre des politiques écologistes coordonnées. Une planification écologique européenne sera le moyen d'organiser la transition de notre mode actuel de développement vers un « alterdéveloppement ».
Plus précisément nous nous engageons à :
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Créer un pôle européen de l'énergie
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Réduire les émissions domestiques de gaz à effet de serre de l'UE d'au moins 30% d'ici 2020.
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Augmenter massivement
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les investissements en recherche et développement dans le secteur des énergies renouvelables et de l'efficacité énergétique,
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les mesures en faveur de la sobriété en matière de consommation énergétique, en particulier le développement des grands réseaux de transport collectif et des programmes de construction de logements à « haute qualité environnementale » et de rénovation urbaine.
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La mise en place d'une politique industrielle coordonnée permettant de mettre en œuvre les projets qui requièrent des investissements de dimension européenne
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la réorientation des aides de la PAC en faveur d'une agriculture génératrice de produits de qualité et respectueuse de l'environnement,
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la part des énergies renouvelables.
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Un développement social,
Nous avons besoin d'une Europe qui permette une harmonisation par le haut des protections dont disposent les travailleurs et non pas leur destruction. Elle énoncera et concrétisera des droits sociaux fondamentaux, instituera un droit social européen contre les logiques de concurrence et de dumping.
Cela passe, en particulier par :
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La mise en place immédiate d'un socle de normes sociales minimales dans chacun des 27 pays et engagement d'un agenda de convergence vers des normes européennes uniques alignées sur les plus favorables en vigueur. Cela concernera, en particulier :
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La protection contre les licenciements collectifs
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le salaire minimum, fixé en fonction du niveau de richesse par habitant,
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l'indemnisation du chômage, total comme partiel.
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la durée du travail et le paiement des heures supplémentaires à des taux majorés
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et le développement des services publics, avec, outre les transports déjà évoqués, une priorité à l'éducation, et à la santé
Un développpement assurant la solidarité entre les peuples
La solidarité entre les pays de l'Union doit être considérablement renforcée, elle est aujourd'hui limitée aux seuls « fonds structurels », bien insuffisants. Hors zone euro, cela conduit les pays en difficulté a avoir recours au ...FMI ; c'est ce que viennent successivement de faire la Hongrie, la Lettonie et la Roumanie.
C'est pourquoi un budget communautaire significatif dédié, permettant de réduire les inégalités entre états membres, sera créé.
Dans l'immédiat ce nouveau budget permettra d'aider à la mise en place des différentes mesures du plan d'urgence vers un nouveau développement.
Pour financer cette politique, les moyens existent.
La commission européenne a reconnu que les aides aux Banques mises en œuvres face à la crise à l'échelle européenne atteignaient 3000 milliards d'euros (source Les Echos), sans réelle contrepartie sur l'utilisation de cet argent public. Pour donner la priorité aux besoins sociaux, il faut imposer une autre répartition des richesses, taxer massivement les profits, en finir avec les privilèges des actionnaires, les bonus et les parachutes dorées. Un véritable plan de relance pour sortir de la crise et mettre en avant les besoins des populations suppose donc une confrontation politique et sociale décisive avec les élites patronales et financières.
Nous défendons également le principe d'un financement mutualisé qui permettrait de créer une agence européenne d'émission de la dette publique.
Ces différentes mesures ont un coût et les ressources communautaires disponibles sont inexistantes. Si l'on considère que compte tenu de l'ampleur prévisible de la crise, un plan européen correspondant à 2% du PIB européen est un niveau minimum, auquel les plans nationaux viendraient s'ajouter, cela représente environ 300 milliards d'euros, dont il faut trouver le financement. Comme celui de Lisbonne demain, les dispositions institutionnelles actuelles interdisent que la commission puisse emprunter. Or, il y a urgence absolue.
C'est pourquoi, à défaut de pouvoir attendre la modification des traités, nécessaire mais longue, nous proposons de reprendre l'idée de créer une agence communautaire d'émission de la dette publique qui viendrait mutualiser les besoins et organiser leur financement par émission d'un grand emprunt européen.
Il faut changer de cap, il faut changer d'Europe. Il est urgent de proposer une alternative. Elle est nécessaire, mais elle est aussi possible.
C'est cela qu'il s'agit de dire le 7 juin prochain.
1 D'après OCDE, Perspectives économiques, rapport intermédiaire, avril 2009
2 D'après "Estimating the size of the European stimulus packages for 2009: an update", 20 février 2009, Institut Brueghel, Bruxelles.
3 Pour les sceptiques, cf. le rapport précité de l'OCDE, p. 118.