Le 7e congrès du Parti socialiste européen, qui s’est déroulé à Porto les 7 et 8 décembre derniers, a vu la réélection de Poul Nyrup Rasmussen à la présidence. Accueillie avec ferveur par la famille social-démocrate européenne, Ségolène Royal a placé sa candidature dans une perspective sociale européenne.
La famille socialiste européenne est une grande famille et les congrès sont l’occasion d’en mesurer à la fois la force et le potentiel. Le potentiel : 27 pays représentés par 32 partis ! La force : il n’y avait pas que des représentants de partis dans l’opposition ou d’anciens responsables politiques. On a pu ainsi noter la présence d’Alfred Gusenbauer, le vainqueur des élections autrichiennes, qui doit former un gouvernement de coalition social-démocrate, Ferenc Gyurcsány, le Premier ministre hongrois, à la tête d’une majorité social-démocrate élue le 21 avril 2002 et réélue depuis, ou bien sûr, José Sócrates, le Premier ministre portugais, dont la popularité ne faiblit pas.
Le PSE avait aussi invité Howard Dean, le président du Parti démocrate américain. Parmi les invités de marque, il y eut aussi Walid Joumblatt, le leader du PSP, le Parti socialiste libanais, venu demander aux socialistes européens de s’unir dans leur soutien à la démocratie et à l’indépendance du Pays du cèdre.
Le PSE est un parti de partis. Mais depuis ce printemps, son président, Poul Nyrup Rasmussen, a émis la volonté de s’ouvrir aux « militants du PSE » qui, sans être des adhérents directs, peuvent s’exprimer et agir dans un cadre social-démocrate européen. Jamais un congrès du PSE n’avait rassemblé autant de monde. À côté des délégations des partis – composées de membres des directions nationales, il y eut ces fameux militants du PSE. Ainsi, le désir de nombreux adhérents épris d’Europe d’affirmer leur culture « internationaliste » et leur volonté de travailler pardelà les frontières commence à être satisfait et ce n’est qu’un début…
Réélu dans un parti conforté et agrandi, Rasmussen peut donc continuer à développer le PSE dans une Europe qui a plus que jamais besoin du social. D’ailleurs, jamais un texte aussi important sur l’Europe sociale n’avait été adopté par le PSE, vote qui signa une des grandes victoires de la contribution des socialistes français : tout d’abord, un amendement de militants du PSE a pu être repris et soutenu par les députés français. Surtout, le texte final reprend l’objectif d’une directive sur les services publics.
La candidate socialiste était probablement la personnalité la plus attendue, sur l’ensemble des camarades européens, elle représente désormais l’espoir de voir les socialistes diriger à nouveau l’un des pays moteur de la construction européenne. « Nous avons la nostalgie de la France, nous te soutenons tous, bonne chance » a résumé José Socrates, le Premier ministre portugais qui intervenait juste avant elle.
Ségolène Royal incarne également l’accession aux responsabilités de la première génération politique de l’après-guerre. Une génération pour laquelle l’Europe est moins une réalité à laquelle il faut se plier par pragmatisme, que le cadre désormais naturel de la perception, de l’élaboration et de la réalisation de l’action politique. Ségolène Royal a ainsi appelé le PSE à être un parti politique qui affirme ses priorités et son autorité en fixant clairement des objectifs qui soient la feuille de route des gouvernements de gauche : « Je veux, si je suis élue, remettre l’Europe en mouvement, lui redonner un souffle. Je veux que l’Europe avance par la preuve et l’action. Il nous faut construire l’Europe des gens, qui réussit à lutter contre le chômage, contre la vie chère, contre toutes les formes de précarité. Ce n’est plus à M. Trichet de décider de l’avenir de nos économies, c’est aux dirigeants démocratiquement élus. Remettre l’Europe sur les rails, cela suppose que la Banque centrale européenne soit soumise à des décisions politiques, celles de l’Eurogroupe, mais aussi celles du Conseil européen. Il nous faut construire aussi l’Europe de la matière grise, de l’intelligence, des qualifications, l’Europe de la recherche, de l’environnement et de l’après-pétrole. »
Le congrès de Porto se situait dans un contexte international qui n’en finit plus de démontrer l’urgence d’une voie socialdémocrate en Europe. Les États- Unis ont enfin pris conscience de leur ensablement fatal en Irak.
La tournée de Ségolène Royal au Proche-Orient a redonné de la crédibilité au rôle que l’Europe peut jouer dans le monde face à la mondialisation libérale et au repli nationaliste. Jacques Delors ne s’y est pas trompé qui a rappelé, dans un discours très offensif et chaudement applaudi, que « entre le monde et la nation, il y a l’Europe ».
Dans son discours, Rasmussen a salué la construction d’une alliance progressiste en Pologne, qui sera la base d’un nouveau centre gauche, alternatif au régime des jumeaux populistes. De même, il a félicité Romano Prodi et Piero Fassino, qui sont en train de construire la plus grande force progressiste d’Italie. « Au siècle dernier, nous avons créé un mouvement commun pour l’État providence, maintenant, il nous faut faire la même chose au-delà des frontières, un compromis progressiste sur les sujets qui importent aux gens : l’emploi, les services publics, le changement climatique et la bonne gestion d’entreprise. »
Le PSE a adopté six résolutions lors de son congrès parmi lesquelles une résolution qui porte sur les ambitions communes d’ici 2009 : le travail décent, un service public de la petite enfance, la défense de l’environnement… Sur un rapport rédigé par Jacques Delors et Poul Nyrup Rasmussen, le PSE a adopté une feuille de route pour la réforme économique et sociale en dix principes.
Le PSE milite pour une troisième révolution industrielle, qui oriente le monde vers les nouveaux défis de l’énergie et du climat.
Le congrès de Porto fut un succès qui doit en précéder d’autres. L’espoir est permis de voir une gauche européenne renforcée aborder les enjeux à venir. N’estce pas du Portugal que partirent les premiers navigateurs pour faire le tour du monde ?