François Delapierre, secrétaire national du Parti de Gauche, livré une analyse critique du programme du Parti socialiste. Les militants de ce parti approuvent le fameux "projet" qui fera l'objet d'une convention nationale ce week-end. Cette double actualité m'amène à vous faire partager l'analyse de François Delapierre.
LE COUP DE RABOT PERMANENT
Les exigences sociales sont encore revues à la baisse conformément à la doctrine démocrate. Le projet 2012 préconise un simple « rattrapage du SMIC que la droite a déconnecté de la hausse des prix » alors qu’en 2007 il voulait «porter le SMIC à au moins 1500 euros bruts le plus tôt possible dans la législature ». Il défend une simple modulation des exonérations de cotisations en cas de recours abusif aux contrats précaires. Les entreprises pourront faire le choix de la précarité en payant un peu plus, alors que le projet socialiste pour 2007 promettait : « Pour lutter contre la précarité, nous réaffirmerons la primauté du CDI sur toute autre forme de contrat de travail. » Il ne revient pas sur les réformes de la droite qui flexibilisent le temps de travail quand le projet 2007 voulait « relancer la négociation sur le temps de travail, pour étendre le bénéfice des 35 heures, avec création d’emplois, à tous les salariés. Si la négociation n’aboutit pas, la loi interviendra. »
On trouve aussi le deuxième pilier de la ligne démocrate, la confiance dans le marché. Même dans le secteur essentiel de l’énergie, le projet PS 2012 ne prévoit aucune remise en cause des privatisations et libéralisations alors qu’en 2007 il promettait de «réintroduire le contrôle public à 100 % d’EDF et mettre en place un pôle public de l’énergie entre EDF et GDF – dont nous refusons la privatisation.» De même, le projet 2012 propose une « banque publique d'investissement » uniquement dédiée à l’investissement industriel et sans moyens nouveaux puisqu’elle se contentera de « regrouper des outils existants» tandis que le projet 2007 envisageait un « pôle financier public » à vocation généraliste.
Les rares « mesures de gauche » annoncées ne changent pas la donne. Le salaire maximum, présenté comme une concession au Front de Gauche, ne concernerait que les firmes dans lesquelles l’Etat a des participations, soit 7 % des salariés dans 57 des 3 millions d’entreprises du pays. Et le « droit de partir à 60 ans » est un mot creux dès lors qu’est avalisé l'allongement de la durée de cotisations qui le fait rimer avec retraite amputée.
BIENVENUE CHEZ LES BISOUNOURS
Ainsi, le PS ne prévoit aucune mesure structurelle pour sortir la dette publique de sa dépendance face aux banques et aux marchés. Il prévoit plutôt d'affecter chaque année 25 des 50 milliards de ressources nouvelles à rembourser purement et simplement la dette. Il n’est pas question par exemple d’autoriser l’Etat à emprunter auprès de la banque centrale ou d’obliger les banques à détenir des titres de dette publique... Ce silence fragilise l'ensemble du projet du PS, car un gouvernement désarmé face aux marchés financiers serait de fait soumis à leur bon vouloir.
De même, le PS ne prévoit aucune remise en cause du cadre actuel de l'Union européenne. Cela ôte toute crédibilité à ses propositions contraires au Traité de Lisbonne : les «emprunts européens pour financer les investissements du futur (rendus impossibles par les articles 310 et 311 TFUE), la «taxation des transactions financières au sein de l'Union» (contraire à l'article 63 TFUE), (contraire aux articles 21 TUE et 206 TFUE). Quant à l’idée de «donner vie aux coopérations renforcées, proposer les contours d'un groupe pionnier adossé à la France et à l'Allemagne, autour d'objectifs précis» et la «construction avec les pays qui le voudront, dons le cadre d'une coopération renforcée permise par les traités actuels, d'une communauté européenne des énergies», elle ignore visiblement le contenu du traité qui conditionne le lancement d’une coopération renforcée à l’accord de la Commission européenne, à l’unanimité à 27 pays au Conseil (art. 329 TFUE), à la participation d’au moins 9 Etats et le prévoit uniquement pour réaliser des objectifs de l’Union sans créer de distorsion de concurrence (art. 20 TUE).