Noël ou le sacre du consumérisme
Si être de gauche, c'est remettre en cause l'idéologie dominante du capitalisme, nous avons fort à faire en cette période de fêtes de fin d'année. Critiquer l'unanimisme béat qui existe autour de Noël n'est pas chose aisée dans nos sociétés consuméristes. La critique est difficile. Seuls certaines œuvres, telles le film « Un conte de Noël » d'Arnaud Despleschin, se permettent de remettre en cause le Noël idéal qui nous est vanté sur papier glacé et panneaux publicitaires LCD. Et pourtant... Le tableau n'est pas aussi doré qu'on voudrait nous le faire croire.
Pub partout
Plus qu'à n'importe quelle période de l'année, les citoyens ne sont plus que des consommateurs. Un seul message est véhiculé du 1er au 25 décembre : il faut avoir pour être. Si vous voulez prouver à vos proches que vous les aimez, ruinez-vous ! Cette frénésie de consommation est sans limite, et nombreux sont ceux qui s'endettent pour pouvoir passer un « Noël-comme-il-faut », comme dans les spots publicitaires. Foie gras ou facture de gaz ? Sapin ou impôts locaux ? Sur fond de crise économique et sociale, le Noël idéal fait mal. Quiconque refuse cette orgie consumériste se voit indéniablement taxé de radinerie. Les spécialistes du marketing ne savent plus quoi inventer pour nous inciter à dépenser plus et à dire que Noël c'est le temps du partage, le temps de donner.... enfin surtout le temps de dépenser. Les publicitaires s'adaptent aux critiques auxquelles ils doivent faire face. Il est désormais question de consommation solidaire, de cadeaux écolos, etc. « Achetez, la planète vous remerciera ». Mais durant ces fêtes de fin d'années, il ne s'agit pas seulement de consommer, il s'agit de se faire plaisir en achetant des produits de luxe. Les magazines « de gauche » style Le Monde-magazine ou Le Nouvel observateur - le Gala pour les riches d'après le fameux mot de Laurent Joffrin - nous proposent des sélections à des prix plus astronomiques les uns que les autres. Ainsi, Le Nouvel Obs se réjouit : « Cette année, au mois de décembre, on estime que 2,1 millions de téléphones mobiles seront vendus, 1,2 millions de Smartphones, mais aussi 450 000 tablettes tactiles ». C'est sûr, il doit y avoir un besoin pour que tant de marchandises s'écoulent. Un hebdomadaire ou un journal digne de ce nom publie nécessairement sa liste d'idées-cadeaux. C'est aussi ça, le journalisme d'investigation.
Catalogues sexistes
Ouvrons un catalogue de jouets d'un grand magasin parisien pour Noël 2010. Les pages consacrées aux filles sont intitulées « les jolies princesses » : ces demoiselles ont le choix entre la cuisine du chef, le service à café, une cuisinière, des ustensiles de cuisine avec valisette. Pour les garçons, alias les « super héros », foultitude de choix : mécano, avion supersonique, clone turbo tank, véhicule de combat Spiderman, sabre laser méga camion, ou encore coffret « totale endurance ». Dès leur plus tendre enfance, on conditionne les petits garçons à la violence (armes), à la technique (voitures, trains), à la science. Les petites filles sont préparées à un futur de mère (poupées), de ménagère (dinettes, aspirateurs miniatures) ou d'objet de désir (rappelons qu'une femme qui aurait les mensurations d'une Barbie mourrait asphyxiée). Via les jouets, on apprend aux garçons la domination et aux filles la passivité et la soumission. Les jouets véhiculent une vision hétéro-normée des activités de la vie courante. Or le choix des jouets influence les choix professionnels, les choix de vie.
Ces schémas hétéro-normés se perpétuent évidemment à l'âge adulte. Ainsi, sur le site Internet d'une centrale d'achats de biens culturels pour cadres, vous pouvez trouver des cadeaux pour les femmes « romantiques », « nostalgiques », « urbaine branchée »... Pour les hommes, vous avez le choix entre le profil « sportif », « amateur d'action » ou « gamer ».